Qu’est ce que le domaining ?

Je me suis en tête il y a quelques jours de partir à la recherche de nom de domaines avec un peu d’ancienneté et idéalement du Page Rank pour lancer de nouvelles niches plus rapidement.

Je me suis donc mis hier en tête durant quelques heures de dénicher du .fr pour des niches à lancer rapidement.
Je pensais la tâche pas trop rude … et après de nombreuses recherche sur les forums en passant par les tuto informatique …mais rien!

Je découvre cependant quelque chose que je ne soupçonnais pas … à savoir que le domaining peut être une profession à part entière et qu’il existe donc une communauté francophone de professionnel dans ce domaine et de fil en aiguille j’arrive dans le temple du domaining francophone  forumndd.com.

J’ai rencontré la super-modératrice Kate  qui a accepté de répondre à mes questions et de partager son expérience dans le but de démystifier le secteur du domaining

Bonjour Kate

Peux-tu te présenter, quel est ton background?

J’ai la trentaine bien entamée. J’ai un background informatique et c’est dans ce secteur que je suis active professionnellement.

Peux-tu définir le domaining en quelques phrases?

Je tenterais de définir le domaining comme l’ensemble des techniques de monétisation de noms de domaine, par des moyens autres que le développement. Mais c’est probablement une définition restrictive et approximative.

L’industrie du domaining comprend notamment:

  • les registrars et les registries
  • les plateformes de parking et de monétisation (ex: Sedo, Namedrive, Kenzo… et bien entendu Google/Yahoo et consorts)
  • les plateformes d’achat et vente de NDD (ex: Sedo, Afternic…)
  •  les dropcatchers (Snapnames, Pool, Namejet…)

L’artisan domainer c’est probablement la majorité des domainers, par opposition aux major players qui ne sont pas très nombreux. Contrairement à ce que certains imaginent c’est très souvent une personne qui a des solides compétences Internet : développement, SEO, webmarketing etc. Le domaining se trouve en quelque sorte au carrefour de ces disciplines. Pour réussir dans le domaining il faut au minimum une bonne culture générale d’Internet.

Et un professionnel d’Internet est obligé de s’intéresser aux noms de domaine. S’il ne le fait pas, c’est dommage pour lui.

 Depuis combien de temps es tu domaineur ?

Je m’intéresse activement aux noms de domaine depuis 1999 environ, sans pour autant mériter la qualification de domainer dès cette époque.

Comme je travaillais sur des projets Internet j’avais tout naturellement besoin de NDD (bons de préférence). La pénurie de NDD de qualité était déjà perceptible. Mais les NDD qui sont pris aujourd’hui (càd hier) ne sont pas éternels, ils peuvent un jour expirer pour diverses raisons.

Je me donc suis intéressée aux mécanismes de récupération de NDD expirés.

En parallèle, je me suis aussi intéressée aux ccTLDs, en particulier les extensions européennes qui – sans jeu de mot – restent un domaine de prédilection pour moi.

A l’aube du 3ème millénaire on pouvait déjà constater l’ascension des ccTLDs. Il me paraissait donc évident que des opportunités étaient à saisir dans ce créneau, d’autant plus que beaucoup de domainers (surtout américains) ne juraient que par .com et se désintéressaient des extensions nationales.

J’ai très tôt pris conscience de deux choses:

  • Internet n’est pas une mode passagère, et le système de nommage est là pour durer car il constitue la clef de voûte du système
  • Internet ne sera pas accessible uniquement en .com.

A l’heure actuelle, je gère un portefeuille de moins de 1000 NDD, un chiffre qui reste stable.

Penses-tu que l’on puisse décemment en vivre ?

En règle générale non. Une minorité peut en vivre. Mais il faut pour cela un très bon portefeuille: la qualité ET la quantité. Les moyens de générer des revenus sont le parking, la vente de NDD ainsi que le développement. D’autres moyens plus anecdotiques tels que le leasing existent.

Certains domainers se sont orientés vers le développement d’outils et de services aux services des domainers. Par exemple, certains sites (exemples: Freshdrop, Prodata) proposent des listes de NDD avec des métriques (âge, PR, backlinks, archives etc) ou des outils de bidding par exemple.

Comme je suis sarcastique, j’aime dire qu’on peut gagner plus d’argent plus facilement en vendant des pelles et des pioches aux chercheurs d’or 

Car je crois que la plupart des domainers perdent de l’argent ou n’en gagnent quasi pas, l’activité relève plutôt d’un hobby.

Une autre possibilité est d’être un broker, dans ce cas on démarche les utilisateurs finaux potentiels et on vend les NDD des autres. Il faut être un bon vendeur, mais pas besoin d’une mise de fonds importante.

C’est donc le plus souvent une activité annexe. Il vaut mieux être actif dans des noms anglais, car le marché pour les NDD francophones est limité.

Les grands gagnants sont bien sûr les registrars et les registries.

Les domaineurs font-ils cela uniquement pour l’argent ?

Tous les jours des personnes découvrent le domaining, souvent suite à un article sensationnel évoquant la vente d’un nom de domaine à un prix élevé. Des NDD se vendent à bon prix mais ce n’est pas la norme et ce sont généralement des NDD de haute qualité qu’un débutant ne peut pas espérer se procurer.

Gagner de l’argent facilement sur Internet est un rêve pour beaucoup de gens, mais ceux qui espèrent avoir trouvé un bon plan pour prendre une retraite accélérée déchanteront rapidement. Il est très facile de perdre de l’argent dans de mauvais achats, en gagner est tout autre chose.

Je pense pouvoir dire qu’il y a consensus sur le fait que de nos jours, on ne peut plus se lancer dans cette activité uniquement avec des noms fraîchement enregistrés.

Il faut acheter sur le second marché, càd des NDD déjà existants, ou sur les plate-formes d’enchères de NDD expirés. En clair investir.

Quant au parking, il nécessite un très bon portefeuille pour être rentable, beaucoup de noms, avec un volume de trafic conséquent. A moins d’être rentré dans le jeu tôt ou d’investir dans des NDD qui ont du trafic, ce n’est pas le parking qui paie les factures.

Tous les domainers ‘sérieux’ que je connais consacrent énormément de temps à leur activité. Pour ma part, je passe beaucoup de temps à éplucher des listes ou à contacter des titulaires de NDD en vue d’achat. Je consacre également du temps à développer mes outils de recherche… et de catch.

Le domaining, c’est une véritable occupation. C’est une discipline qui est a mûri et qui est devenue très concurrentielle. Je qualifierais l’activité technique plus qu’intellectuelle.

De l’argent: oui, possible à condition d’être dédié et de s’inscrire dans la durée.

Les domaineurs sur forumndd.com ont l’air sympathique mais on peut pas nier qu’il il y a parfois des dérives.

Les membres de Forumndd.com n’ont pas l’air sympathique, ils SONT sympathiques 

Nous avons la chance d’avoir une communauté remarquable dans laquelle règne un excellent esprit.

Nous sommes passionné(e)s non seulement par les noms de domaine mais par Internet tout simplement. C’est ce que nous voulons, de la convivialité, des échanges de haut niveau.

Et une personne malhonnête n’a pas place parmi nous.

Une accusation très fréquente, voire récurrente, est que les domainers pratiquent le cybersquatting.

[Définition : enregistrement abusif d’un nom de domaine au détriment d’un titulaire de marque/droits].

Le cybersquatting est une réalité mais quand on consulte les décisions UDRP (http://www.wipo.int/amc/en/domains/) manifestement ce ne sont en général pas des domainers connus qui sont impliqués dans les litiges mais des individus ordinaires.

Les domainers expérimentés savent que le cybersquatting n’est pas une pratique rentable ou durable.

Les titulaires de marques disposent de recours ne se privent pas de les utiliser. Les domainers sont intéressés par des noms de domaine qui ont une valeur intrinsèque, or un nom qui porterait atteinte à une marque est un boulet, une épée de Damocles. Ce n’est pas avec des NDD litigieux qu’on crée de la valeur.

Les domainers eux-mêmes ont des reproches concernant les pratiques douteuses, avérées ou soupçonnés, de certains acteurs tels que les registrars ou les dropcatchers. Par exemple, en 2009, il a été révélé qu’un employé de Snapnames avait ‘noyauté’ les enchères en profitant d’une position privilégiée dans le système (http://www.dnjournal.com/archive/lowdown/2009/dailyposts/20091104.htm).

En fait, Internet n’est que le prolongement du monde ‘réel’.

Le domaining est une industrie, petite, mais une industrie.

Il n’y a aucune industrie qui soit à l’abri des menteurs, des tricheurs, des voleurs, des conflits d’intérêt, des délits d’initiés, des manipulations de marché… A chaque fois qu’il y a de l’argent en jeu, des dérives peuvent se produire.

 Qu’est ce qui fait la valeur d’un bon ndd ?

J’ai  un jour écrit un billet intitulé ‘Les erreurs les plus fréquentes dans le domaining’ (http://www.forumndd.com/infos/279-erreurs-plus-frequentes-domaining.html) qui aborde brièvement ce thème.

En quelques lignes, je dirais qu’un bon nom de domaine devrait idéalement avoir les qualité suivantes :

  • un usage commercial évident, ou un potentiel de développement clair
  • une bonne extension, par exemple .com/.fr, pas une extension ‘exotique’
  • de préférence court mais surtout facile à mémoriser
  • n’a pas besoin d’être épelé (radio test)
  • sans artifices (tirets, préfixes ou suffixes artificiels)
  • dans le cas d’un générique ou semi-générique, être évocateur, décrire clairement et non de manière ambiguë la thématique
  • être générique ou ‘brandable’, voire même pouvoir constituer un nom de marque
  • des qualité sur plan linguistique (prononciation, sonorité, rimes, …)

Je recommande vivement la lecture de Blogodomaines (http://www.blogodomaines.com/valorisation) pour une analyse plus approfondie.

Quel % de ndd revendez vous( avec le temps), qui sont les clients ? monétiser vous ces ndd ?

J’estime que le taux de rotation du portefeuille est d’environ 5% par an. J’entends par là les NDD soit vendus ou éliminés, ou retirés du circuit pour être développés.

Les clients sont des domainers ou des entreprises de taille moyennes, il y aussi des particuliers. Les clients sont très divers. Généralement un utilisateur final achète un NDD bien précis, quand il a un besoin ponctuel (nouveau projet/produit).

Monétisation: principalement parking, affiliate, des sites développés, et surtout la revente si on considère cela comme une forme de monétisation.

Quel est le circuit de revente d’un ndd ?

Il n’y a pas de schéma-type. Le scénario le plus simple: un NDD est enregistré manuellement et  revendu plus tard à un utilisateur final.

Variante: un NDD déjà existant est acheté sur le second marché et revendu plus tard à un utilisateur final.

Un NDD peut aussi changer plusieurs fois de main entre domainers, ceux-ci achètent/vendent/échangent entre eux.

La durée de vie d’un NDD est souvent de quelques années seulement, chaque jour des dizaines de milliers de NDD expirent. Les raisons sont diverses: disparition de la société, fin d’un projet, désintérêt de la part du titulaire, des oublis parfois et aussi des décès.

Un certain nombre des NDD expirés seront ré-enregistrés et connaîtront une nouvelle vie. Ils peuvent même avoir été vendus plus d’une fois.

Quel sont vos outils préférés ?

Probablement ceux que j’ai développé 

Une technique basique est de télécharger des listes de NDD expirés/en voie de drop (disponibles publiquement) et filtrer en fonction de keywords, selon l’intérêt du jour ou l’humeur du moment.

Certains recherchent des NDD avec un historique, des backlinks ou d’autres métriques. Namecatch est utile pour avoir un aperçu rapide des NDD génériques. Personnellement j’accorde beaucoup d’attention à la ‘brandabilité’. Il n’y a pas vraiment d’outil pour évaluer un tel critère. L’analyse humaine est donc nécessaire.

J’utlise de temps en temps Domaintools. Beaucoup de domainers utilisent les mêmes outils, je préfère donc sortir des sentiers battus et développer une stratégie basée sur des critères personnels. Comme je l’ai indiqué, je contacte régulièrement des titulaires de NDD en vue de rachat. Ce n’est pas facile, car les NDD sont souvent pas  à vendre ou les propriétaires demandent des prix extravagants. Ils ne sont pas domainers après tout, ils ignorent les ‘prix du marché’. Mais trouver des NDD à bon prix est laborieux.

Le ndd que tu as récupéré dont vous êtes le plus fier ?

J’ai du mal à répondre à cette question, j’aime la plupart des NDD récupérés, mais j’évite l’attachement sentimental. Quelques NDD au hasard pour lesquels j’ai des projets:

Svalbard.org ForeignProperties.com GeoSense.com TemporaryWork.com MaMode.com TreeLand.com CielBleu.com VieCommune.com Fric.com Expatriates.net

Ce ne sont pas forcément ceux qui ont la plus grande valeur marchande. Sinon je devrais probablement citer les LLL.com de notre portefeuille.

Tu les as toujours ?

Il y a des NDD que nous avons depuis 2001 je crois. Et nous avons des noms beaucoup plus anciens (des acquisitions).

Quelque chose à rajouter qu’un profane comme moi n’aurait pas pensé à évoquer?

J’espère que interview apportera à certains un éclairage nouveau sur l’activité de domaining et j’invite les personnes qui veulent en savoir plus ou partager notre passion à nous rejoindre sur Forumndd.com.

Quant à ceux et celles qui sont attirées par le domaining et ont la motivation mais pensent qu’il est trop tard, je leur dis qu’il n’est jamais trop tard. Il y a chaque jour des opportunités à saisir.

Un grand merci Kate pour le temps que tu m’as accordé et la qualité de tes réponses.

Pour en savoir plus sur le domaining (et la communauté accueillante et sympathique)  vous pouvez consulter le site forumndd.com